Grand entretien avec Nadia Bouyer, directrice générale du groupe Action Logement

Nadia Bouyer est à la tête du groupe Action Logement, qui compte 46 entreprises sociales pour l’habitat (ESH), gère plus de 1,1 million de logements sociaux et intermédiaires en France et propose des services et des aides financières pour faciliter l’accès au logement. Spécialiste reconnue du logement et de l’urbanisme, elle livre à QUALITEL sa vision des grands enjeux du secteur et les ambitions du groupe Action Logement pour les prochaines années. 

À la veille du congrès de l’USH, qu’attendez-vous de ce rendez-vous incontournable des acteurs du secteur de l’habitat social ?

Pour le groupe Action Logement, qui produit désormais un logement social sur trois dans notre pays, le Congrès de l’USH est évidemment un rendez-vous essentiel. D’abord parce qu’il est indispensable qu’au moins une fois dans l’année, l’ensemble des acteurs du secteur se retrouvent pour échanger, bien sûr avec les bailleurs mais aussi avec l’ensemble des parties prenantes : promoteurs, entreprises de travaux, aménageurs ou encore collectivités territoriales ou partenaires institutionnels. J’emploie à dessin le verbe échanger, car dans le champ du logement social, rien ne peut se faire seul. Et j’ajoute qu’au regard des enjeux économiques et sociaux de cette rentrée, il est plus nécessaire que jamais que le monde du logement social s’exprime d’une voix forte et unie.

Quels principaux messages allez-vous porter ?

Je vois trois principaux messages à délivrer. Le premier est que, dans notre pays, les actifs ont plus que jamais besoin d’une offre de logements abordables, durables et de qualité. Dans cette perspective, notre groupe paritaire a pris l’engagement de développer 50 000 logements neufs par an, en s’appuyant notamment sur ses 51 filiales immobilières en métropole et dans les Outre-mer. Pour des raisons contextuelles évidentes, le deuxième message que je souhaite porter, en accord avec les partenaires sociaux, c’est évidemment l’urgence à tous se mobiliser pour mettre en place la transition énergétique. Elle doit comporter des mesures de court terme pour soutenir les locataires en difficulté et trouver des solutions d’achats groupés pour faire face au prix de l’énergie, des mesures à deux ou trois ans pour accélérer la rénovation énergétique du parc social et généraliser les techniques innovantes, à l’instar du « béton vert » et des certifications exigeantes de type « QUALITEL » pour construire dans le respect de l’environnement. Et je souligne à plus long terme, l’engagement pris dans le cadre de notre stratégie RSE rendue publique au printemps dernier, où nous nous sommes assigné l’objectif de contribuer à la neutralité carbone dès 2040.

Le contexte national et international est marqué par la pénurie et la hausse significative des coûts des matières premières. Dans le même temps, les incidents climatiques et leurs effets se multiplient. Comment le groupe Action Logement aborde-t-il ce défi environnemental et sociétal ?

Tous les acteurs du secteur ont pu le constater, sur ces sujets, Action Logement est en avance de phase. Je rappelle d’abord que notre parc est d’une qualité thermique supérieure au parc privé, car nous sommes engagés depuis de longues années dans des rénovations ambitieuses. Nous comptons moins de 3 % de logements classés en étiquette F ou G et, dès décembre 2023, l’ensemble des travaux auront été lancés pour les éradiquer. Et nous nous sommes donné comme jalon ensuite de supprimer les étiquettes E dès 2030. Nous avons aussi redoublé d’effort en matière de construction : cette année, 15 % de la production sera au niveau du palier 2025 de la RE 2020, c’est-à-dire que nous aurons cinq ans d’avance sur la réglementation. En 2024, ce sera la moitié de notre production qui sera concernée. Et, au cours des années qui suivent, nous allons amplifier nos actions, en étant toujours en avance de phase sur la réglementation.

Le contexte a-t-il modifié la stratégie de rénovation de votre parc ?

Nous avons clairement accéléré et amplifié notre ambition sur ce point. Nous avons pour objectif de réhabiliter au cours des 5 prochaines années, 146 000 logements, ce qui représente pour l’ensemble de nos filiales, un effort d’une ampleur inédite. Toutes nos résidences ainsi rénovées doivent être à l’issue des travaux a minima sous étiquette énergétique C. Et cette année, nous sommes allés plus loin puisque 33 % des opérations de rénovation atteignent le niveau BBC : c’est là pour nous un gage de qualité et de confort thermique au service de nos locataires.

La baisse du pouvoir d’achat est la principale préoccupation des Français et le logement est le poste de dépense le plus important pour la plupart des ménages. Allez-vous mettre en place des mesures spécifiques pour aider vos locataires à faire face à la hausse des dépenses, notamment les charges locatives ?

Nous avons déjà pris l’initiative de mener des actions pédagogiques fortes auprès des habitants de notre parc d’un million de logements et de nous attacher à accompagner les plus fragiles des locataires. À court terme, notre groupe va faire le choix fort de faire des achats groupés en matière de gaz et d’électricité. Quand on pèse 1,7 % de la consommation de gaz nationale, en étant unis, on dispose des moyens de peser sur les prix grâce à « l’effet volume ». Pour soutenir nos locataires, nous allons déployer massivement dès 2023 des solutions techniques (dispositifs de pilotage automatique des chauffe-eau et radiateurs électriques individuels, éco-régulateurs de chauffage et système de production d’eau chaude collectifs au gaz, révision de la puissance des compteurs électriques) permettant des économies d’énergie rapides. Nous allons également retarder tant que possible le déclenchement du chauffage collectif dans les résidences et limiter la température à 19°C dans l’ensemble des logements et des parties communes. Enfin, nous sommes en train d’optimiser l’ensemble des abonnements des compteurs électriques des parties communes aux consommations réelles actualisées afin de s’assurer de la puissance souscrite au regard de la consommation. Notre objectif est de garantir le meilleur confort à nos locataires, tout en limitant l’impact de la hausse des prix de l’énergie.

Ces nombreux enjeux ont-ils un impact direct sur la qualité du logement attendue par les locataires ?

La force de notre groupe paritaire, c’est son ancrage dans les territoires, qui nous donne donc une mesure quasi-instantanée des besoins et des attentes de leurs habitants. Bien avant la pandémie, nous avions perçu une envie de « vivre autrement », dans des logements plus lumineux, avec des espaces verts, construits dans des matériaux éco-responsables. C’est pourquoi nous avons profondément revisité nos modes de construction en privilégiant les produits biosourcés, en développant une politique ambitieuse de résidentialisation. La certification est un des leviers de cette stratégie bâtimentaire ambitieuse et innovante. Aujourd’hui, les deux tiers de notre production neuve sont certifiés. C’est aussi l’une des raisons pour laquelle notre groupe a participé, sur le volet logement, au programme national Action Cœur de Ville qui propose aux salariés une autre façon d’habiter, loin des grandes métropoles. Là aussi, nous avons mis l’accent sur la qualité des logements proposés, puisque, par exemple, 43 % d’entre eux ont une certification NF Habitat et 46 % une certification NF Habitat HQE.

Action Logement est pleinement engagé en matière de certification de ses logements. Quel est le sens de cette démarche ?

Action Logement Immobilier a choisi d’intensifier sa politique de certification. Nous avons donc lancé un marché au niveau de la holding pour rationaliser et systématiser cette démarche, qu’il s’agisse des bâtiments nouveaux ou des résidences réhabilitées. Nous avons eu là une démarche exigeante puisqu’en plus des critères thermiques, nous avons attaché une vigilance particulière à la performance acoustique, la ventilation, ou encore la durabilité des locaux ou la limitation des nuisances de chantier. C’est en toute cohérence avec la stratégie RSE 2030.

Certaines zones sont particulièrement tendues avec une forte demande en logement social et intermédiaire. Faut-il accélérer la construction de logements ? Quels sont les freins à lever pour y parvenir ? Quels objectifs s’est fixé votre groupe en matière de construction ?

Nous construisons désormais un tiers de la production de logement social en France. Et nous souhaitons poursuivre puisque nous avons la capacité opérationnelle de développer 50 000 logements par an. L’équation est en effet complexe, puisqu’au regard des besoins exprimés, il faut que nous construisions plus et mieux. Mais il faut aussi prendre en compte les diversités territoriales. Les problématiques sont différentes en zones hyper tendues et zones en déprise. Nous devons aussi faire avec les objectifs nouveaux posés par les pouvoirs publics, concernant par exemple le Zéro Artificialisation Nette. Là aussi, notre groupe s’est révélé agile et imaginatif, en mettant en œuvre des solutions nouvelles comme la surélévation ou la transformation de locaux d’activité vacants en logements.

A contrario d’autres zones du territoire ne bénéficient pas de la même attractivité. Action Logement intervient sur le volet immobilier du programme national Action Cœur de Ville qui ambitionne de redynamiser le centre des villes moyennes. Quel premier bilan dressez-vous de ce programme ambitieux ?

Action Cœur de Ville, c’est une réussite. Sans loi, sans dispositif complexe, l’État, la Banque des Territoires, l’Anah et Action Logement ont choisi d’intervenir dans 222 villes dont le centre s’éteignait doucement, pris dans une spirale négative : plus de commerces, plus d’habitants, plus de services publics. Aujourd’hui, nous sommes à nouveau dans une spirale vertueuse : ce sont près de 19 000 logements en cœur de ville qui sont développés, avec une ambition qualitative élevée, certifiés et adaptés aux attentes des salariés et des jeunes actifs.

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