Vers une simplification des normes dans le secteur du bâtiment

Le point de vue de Bertrand Delcambre, président de l’Association QUALITEL.

Comment viser une simplification normative et réglementaire sans diminuer la qualité de l’habitat construit ?

Vers une simplification des normes dans le secteur du bâtiment

Des normes françaises trop nombreuses ? Inadaptées ? Trop coûteuses ? Qui freineraient l’innovation ? C’est le constat que font certains et qui pousse le gouvernement vers la recherche de simplification des normes et des réglementations. Pour la construction comme pour la rénovation de bâtiments de logements, les maîtres d’ouvrage sont aujourd’hui confrontés à un ensemble de normes réglementaires et volontaires qui se sont accumulées au fil du temps : code de la construction, réglementations thermique, acoustique, sécurité, accessibilité… Pour faire face à cette prolifération de normes jugée excessive, la loi ESSOC, votée le 10 août 2018, vise une simplification des démarches administratives dans différents domaines dont le secteur du bâtiment.

Une démarche nécessaire pour répondre à son objectif de relancer la construction de logements en France : « Construire plus, mieux et moins cher ». Le secteur du bâtiment se confronte aujourd’hui à une nécessaire remise en question de son cadre de fonctionnement et des modalités d’application des diverses normes et réglementations.

Simplifier les réglementations pour construire mieux et plus de logements

Cette volonté de simplification n’est cependant pas nouvelle. En 2014, une initiative du gouvernement, après consultation des différents acteurs concernés (entreprises, maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre…), a permis de définir 50 mesures de simplification appliquées au secteur de la construction. L’objectif était de simplifier la mise en œuvre opérationnelle des exigences de la réglementation ou de les adapter à un contexte spécifique.

L’article 49 de la loi ESSOC (loi pour un État au service d’une société de confiance) porte plus particulièrement sur le secteur du bâtiment et introduit le permis d’expérimenter, basé sur le droit de déroger. En 2017, le permis de faire, prévu par la loi LCAP (relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine), permettait déjà de déroger partiellement à la réglementation pour la réalisation de logements sociaux. La loi ESSOC étend cette possibilité et une ordonnance doit fixer le cadre de la dérogation.

Pour QUALITEL, cette volonté de simplifier est une initiative positive car au fil du temps des normes successives se sont empilées et enrichies sans ajustement des précédentes. Il est important toutefois de ne pas céder à la facilité en supprimant trop vite trop de normes. Il faut plutôt viser une mise à jour en resserrant les textes sur des normes adaptées, spécifiques et qui visent une amélioration de la qualité de l’habitat, au service du confort de ses occupants. Il s’agira aussi de revoir les exigences de certaines réglementations qui n’ont pas été modifiées depuis longtemps et ne correspondent plus aux modes constructifs actuels. La ventilation par exemple, dont la réglementation date de 1982, est impactée par l’amélioration de l’isolation thermique installée dans les bâtiments neufs.

Viser la performance tout en accompagnant les acteurs

S’orienter vers une simplification ne doit pas conduire à négliger la recherche de performance et de qualité dans la construction. Il est utile de rappeler que les réglementations s’adaptent souvent à des évolutions technologiques ou à des attentes des occupants. Si l’on observe la construction de logements au cours du XXe siècle, qui a évolué en respectant les nouvelles exigences des réglementations thermiques et acoustiques par exemple, on constate une amélioration progressive de la qualité des logements construits. Le Baromètre QUALITEL souligne cette tendance avec des indices de satisfaction des occupants vis-à-vis de leur logement qui s’améliorent au fil des réglementations successives.

Il est donc essentiel que la réglementation propose un cadre strict mais ouvert à l’innovation et favorise les techniques nouvelles. La loi ESSOC incite également à proposer des réglementations performancielles et non plus basées sur les moyens à mettre en œuvre. Si certains acteurs disposent de services innovation et de moyens financiers leur permettant de développer et tester de nouvelles techniques et des matériaux n’ayant pas encore fait leur preuve, d’autres souhaitent bénéficier de guides techniques sur « comment faire ». Selon QUALITEL, le performanciel ne peut se substituer intégralement aux moyens. Les réglementations thermiques et acoustiques sont d’ores et déjà construites sur des exigences de résultats, et il est important d’accompagner les maîtres d’ouvrage en proposant des exemples de dispositifs et des solutions techniques permettant d’atteindre ces résultats. Pour cela, il est nécessaire de s’inscrire dans une démarche pragmatique : une réglementation performancielle est possible sur certains sujets et accessibles pour certains acteurs, mais elle ne se substitue pas à un accompagnement sur les moyens d’atteindre cette performance.

Pour répondre à ces enjeux tout en favorisant l’innovation et le maintien de la qualité, il est tout aussi primordial de renforcer la formation des professionnels. Les normes doivent être parfaitement expliquées et comprises afin d’éviter les problèmes d’interprétation et d’interfaces, et ainsi permettre une meilleure appropriation des réglementations et faciliter la mise en œuvre opérationnelle des exigences.

Une démarche pragmatique intégrant la transition numérique et la notion de coût global

L’un des objectifs de la réglementation dans la construction est de s’adapter aux évolutions technologiques et aux nouvelles attentes des habitants. Elle établit une base commune, un niveau de qualité attendu dans tous les bâtiments. Dans ce contexte, les différents signes de qualité, certifications, labels, ont un rôle décisif à jouer pour viser des niveaux supérieurs, en s’appuyant sur une démarche volontaire. Ainsi, la certification délivrée par CERQUAL Qualitel Certification représente un cadre rassurant : une qualité et une performance multicritères contrôlées par un tiers indépendant.

Pour « construire plus, mieux et moins cher », un travail de simplification des normes réglementaires est indispensable mais il n’aboutira que s’il intègre les retours terrain et les expertises de l’ensemble des acteurs et s’il tient compte d’une vision long terme. En effet, le coût constructif est décisif mais à l’échelle de la durée de vie d’un bâtiment, les coûts d’exploitation, de rénovation, de destruction doivent être pris en compte. Le coût global est une notion indispensable à intégrer dans les réflexions liées aux futurs textes réglementaires qui s’appliquent au secteur.

Pour QUALITEL, cette simplification doit aussi embarquer le volet numérique, en lien avec le BIM. La possibilité de numériser les exigences réglementaires permettra de simplifier l’application de la réglementation et d’en améliorer sa lisibilité. Parallèlement, l’automatisation de l’application et de la vérification des exigences réglementaires permettra un réel gain de temps.

Enfin, seul un travail de co-construction rassemblant l’ensemble des acteurs, sur le modèle de l’expérimentation du label E+C-, peut conduire à l’élaboration d’une réglementation environnementale cohérente, adaptée à la réalité de la construction de bâtiments de logements, et faciliter sa mise en œuvre par les professionnels.

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