Mesure de la performance énergétique intrinsèque d’un bâtiment à réception

Les enjeux de la qualité de l’habitat décryptés par nos experts.
Francis TIFFANNEAU, Responsable activité énergie au sein de la Direction des Études et Recherche, nous explique.

Le secteur du bâtiment représente la part la plus importante des consommations énergétiques en France. Tous les professionnels doivent donc se mobiliser pour inverser cette tendance ?

C’est vrai, il est essentiel de réduire les consommations énergétiques des bâtiments, aussi bien dans les constructions neuves que dans le cadre d’un plan de rénovation énergétique d’envergure du parc existant. C’est incontournable dans le contexte de la transition énergétique et environnementale, et c’est de fait un objectif majeur pour les maîtres d’ouvrage. Si le secteur a beaucoup progressé depuis les années 70 et les premiers labels énergétiques, il reste encore du travail pour pouvoir maîtriser la performance énergétique à la livraison et envisager ensuite la garantie de résultats. De nombreux aspects participent en effet à l’efficacité énergétique d’un bâtiment (le bâti et notamment l’isolation, les systèmes de chauffage et de ventilation…) aussi bien dans le choix des techniques, équipements et matériaux, que par la qualité de la mise en œuvre, qui repose sur l’intervention de plusieurs corps de métier.

Que dit la réglementation sur ce sujet de la performance énergétique à la livraison ? Y a-t-il des évolutions techniques ?

Il y a peu d’exigences spécifiques.

La réglementation RT2012 impose la mesure d’étanchéité à l’air des bâtiments. C’est la seule mesure obligatoire, et elle ne s’intéresse qu’à un aspect de la performance énergétique du bâtiment.

Par ailleurs, depuis 2017, le protocole Promevent représente pour les promoteurs, bailleurs et constructeurs de maisons individuelles une nouvelle méthode de vérification à réception des installations de ventilation mécanique contrôlée pour le résidentiel.

Qu’est-ce que la mesure de la performance énergétique intrinsèque à la livraison d’un bâtiment ?

Une fois le bâtiment conçu, réalisé et prêt pour être livré, sa « performance énergétique intrinsèque » peut être évaluée, et ce, de différentes façons :

  • en ce qui concerne l’isolation thermique, par des vérifications visuelles (sur la présence, le type, la position, la conformité de composants comme un isolant ou une fenêtre par exemple), des tests de thermographie infrarouge, par des mesures in situ (mesure de perméabilité à l’air des bâtiments, mesure d’isolation thermique de l’enveloppe du bâtiment) ;
  • mais aussi des tests fonctionnels des équipements de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire.

Cette performance énergétique intrinsèque d’un bâtiment à réception doit être comparée aux hypothèses de l’étude thermique et tenir compte des équipements posés lors de la réalisation, et n’est donc pas aisée à évaluer. Améliorer la connaissance sur la façon de mesurer la performance énergétique intrinsèque à réception des logements neufs est un des moyens qui nous permettront de réaliser des bâtiments peu énergivores et plus respectueux de l’environnement.

A ce jour, plusieurs mesures expérimentales de l’isolation globale de l’enveloppe du bâtiment et des protocoles pour tester les équipements apparaissent.

Vous évoquez différentes méthodes de mesure. Quelles sont-elles ?

En termes de mesure d’isolation thermique de l’enveloppe, il existe trois méthodes en France :

  • EPILOG (Evaluation de la Performance intrinsèque des LOGements), développée par le consortium INES, Armines, Cristal Habitat et Cythelia ;
  • ISABELE (In Situ Assessment of Building EnveLopE performance), développée par le CSTB ;
  • QUB, développée par le groupe Saint-Gobain.

Chacune de ces méthodes présente des caractéristiques, un matériel et un protocole de mesures spécifiques.

Il existe aussi deux protocoles qui s’appliquent aux équipements de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire :

  • MERLIN (Mesure in situ de la performance Energétique intrinsèque à Réception des LogemeNts), du consortium CSTB, CEREMA et COSTIC ;
  • EPILOG, du consortium INES, Armines, Cristal Habitat et Cythelia.

Ces méthodes expérimentales ont fait l’objet de programmes de recherche et développement depuis de nombreuses années, et il faut donc maintenant les tester sur le terrain en conditions réelles, sur des opérations de construction neuve. Pour cela, QUALITEL a souhaité lancer en 2018 un programme de recherche portant sur l’expérimentation de la mesure de la performance énergétique intrinsèque à réception des logements.

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce programme de recherche ?

Il porte sur une mesure globale de l’isolation thermique du bâtiment et de la qualité de sa mise en œuvre, et sur des tests sur les systèmes de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire. Prévu sur 2018-2020, il se déroule selon 3 étapes : sélection des maîtres d’ouvrage et des opérations, expérimentation des méthodes et analyse des résultats, qui devrait aboutir à terme sur un guide de méthodologie de mesure de la performance énergétique intrinsèque à réception.

Quels sont les partenaires engagés dans ce programme de recherche ?

Ce programme s’appuie sur la mobilisation et le soutien de nombreux acteurs du secteur : maîtres d’ouvrage et constructeurs de maisons, organismes porteurs des méthodes de mesure, opérateurs de mesure et diagnostiqueurs systèmes : CSTB, Saint-Gobain, INES, COSTIC, Batiperform, Exth’air, Imheol, QIOS, Alliance, DEUX-SEVRES HABITAT, Immobilière 3F.

Dans un deuxième temps, d’autres partenaires (maîtres d’ouvrage) rejoindront le projet pour l’expérimentation dans le logement collectif.

Un comité élargi sera également constitué afin de partager ces travaux avec entre autres l’Ademe, la DHUP, l’USH, l’AQC… Pour que cette démarche de mesure se développe dans les prochaines années, il est en effet primordial que ce programme de recherche réunisse l’ensemble des acteurs concernés.

Quels sont les objectifs de ce projet ?

L’objectif de ce programme est de formaliser un cadre méthodologique de mesure in situ fiable, facile à appliquer et reconnue par tous, à coût maîtrisé. Il est en effet important de pouvoir déterminer le bon équilibre entre précision de la mesure et simplicité de mise en œuvre (notamment en ce qui concerne les délais induits par la réalisation de la mesure). Pour QUALITEL, il s’agit d’accompagner les professionnels dans leurs pratiques métier et de contribuer à l’amélioration de la qualité de l’habitat construit en France, en développant à terme le recours à la mesure de la performance énergétique intrinsèque à réception des bâtiments. En proposant un outil opérationnel adapté et efficace aux professionnels, ce programme vise aussi à proposer une garantie de qualité pour l’occupant du logement.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Après avoir mobilisé des maîtres d’ouvrage et des constructeurs de maison, 4 maisons individuelles et 3 opérations collectives ont été retenues pour faire l’objet des différents tests. Dans un premier temps, QUALITEL a ainsi lancé depuis janvier 2019 la phase d’expérimentation des méthodes de mesure en maisons individuelles, qui vont se poursuivre jusqu’en mai. Les tests seront ensuite réalisés dans le panel de logements collectifs fin 2019, début 2020.

En quoi consiste cette phase d’expérimentation ?

Il s’agit :

  • d’appliquer, sur chaque opération sélectionnée, les 3 méthodes de mesure pour l’isolation thermique globale de l’enveloppe du bâtiment et les 2 protocoles pour les équipements de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire ;
  • d’analyser sur le terrain la mise en œuvre de chaque méthodologie, ses caractéristiques, les équipements et le temps nécessaires aux mesures…
  • de comparer les résultats obtenus entre eux et ceux qui étaient prévus en phase conception, notamment le coefficient de déperditions thermiques de l’étude thermique, en tenant compte des équipements et matériaux posés.

L’expérimentation intègre également, sur une maison du panel, la méthode de mesure de référence européenne Co-heating, réalisée sur 4 semaines consécutives, dont les résultats seront comparés aux trois autres méthodes EPILOG, ISABELE et QUB.

Et après cette phase d’expérimentation ?

Les différentes réunions du groupe de travail auront pour objet d’analyser les résultats de ces tests et de faire converger les méthodes autour d’un indicateur unique. Cela passe aussi par la définition d’un protocole de mesure à intégrer dans le calendrier du chantier et de règles d’échantillonnage pour les mesures à effectuer dans les maisons individuelles et les bâtiments de logements collectifs.

Quel rôle peut jouer la certification ?

Dès sa création en 1974, QUALITEL a placé l’énergie et la thermique au cœur de ses réflexions autour de la qualité de l’habitat. Le référentiel de certification NF Habitat – NF Habitat HQE impose aux maîtres d’ouvrage des exigences en termes d’isolation, de système de chauffage… pour atteindre des niveaux ambitieux en termes de performance énergétique et viser ainsi le confort thermique des occupants. La certification impose également la réalisation de mesures : ainsi, dans le cadre de contrôles approfondis, une opération sur dix fait l’objet de mesures de débit/pression sur la ventilation.

A terme, la mesure de la performance énergétique intrinsèque d’un bâtiment pourrait être valorisée dans le cadre de la certification NF Habitat – NF habitat HQE.

Quelles sont les difficultés rencontrées pour cette expérimentation ?

La première difficulté est de pouvoir intégrer dans le planning chantier le temps nécessaire pour la mise en œuvre des trois méthodes de mesure. La notion d’incertitude de mesure est également un point important, qu’il ne faut pas négliger dans l’analyse des méthodologies et des résultats. Enfin, faire converger les acteurs vers un indicateur unique représente un réel défi.

Qu’en est-il de la rénovation énergétique ?

Le programme de recherche porté par QUALITEL s’intéresse à une méthodologie de mesure applicable aux constructions neuves. Parallèlement, l’AQC, dans le cadre du programme PROFEEL, a lancé le projet SEREINE, qui porte sur la mesure de la performance énergétique dans le cadre de la rénovation.

In fine, l’objectif est bien de faire progresser la qualité de l’habitat neuf et rénové en visant une performance énergétique globale de l’ensemble des bâtiments.

En quoi le développement de cette mesure de performance énergétique participe à améliorer la qualité des logements construits ou rénovés ?

Avec une méthodologie de mesure unique, fiable et des professionnels formés à cette méthode, à terme les maîtres d’ouvrage pourront bénéficier d’un point de repère et pourront valoriser cette démarche dans leurs programmes de construction.

Nous sommes peut-être ici dans les prémices d’une généralisation, dans quelques années, de la mesure de l’isolation thermique de l’enveloppe du bâtiment à réception, comme ça a été le cas par le passé avec la mesure de la perméabilité à l’air des bâtiments.

Pour QUALITEL, afin de faire progresser la qualité de logements construits, il est essentiel qu’un maximum de bâtiments fassent l’objet de ces mesures de la performance énergétique intrinsèque à réception. En mobilisant les acteurs du secteur sur la mesure de la performance énergétique intrinsèque du bâtiment, QUALITEL souhaite sensibiliser sur l’importance du confort thermique des futurs occupants.

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