Rémi Fromaget (Groupe InCA) : « Préserver l’environnement, c’est aussi proposer des modes d’habitation innovants comme les maisons à partager »

Rémi Fromaget est le président de l’entreprise InCA (Innovation Construction pour l’Avenir), créée en 1954 dans la région bordelaise. Avec ses équipes, il est particulièrement soucieux de garantir à la fois qualité de service à ses clients et qualité des constructions, en matière d’innovation, d’éco-citoyenneté et de sobriété énergétique. C’est à ce titre que les maisons InCA sont toutes certifiées NF Habitat HQE.

Dans un secteur particulièrement en tension, partagez-nous votre vision de l’avenir de la profession : quelles opportunités s’offrent à elle ?

2022 a été une année particulièrement difficile pour la maison individuelle, les travaux ont été mis à rude épreuve avec des délais de chantier allongés qui ont impacté tout le secteur de la construction. À titre d’exemple, en 3 ans nous sommes passés de 8 mois de délais de chantier à 12 mois pour une maison individuelle !

Nous sommes tous confrontés à des difficultés en matière de pénurie de main d’œuvre auxquelles s’ajoutent des hausses de coût de construction historiquement brutales. Le prix de nos maisons les plus économiques et destinées à l’origine aux foyers les plus modestes a ainsi bondi de 50 % en deux ans, et ce n’est pas terminé car nous prévoyons une nouvelle hausse de 5 % sur le prochain trimestre. Tout cela mis dans un contexte d’inquiétude des Français et de hausse des taux d’intérêts d’emprunts et le marché de la maison individuelle aura enregistré une chute historique des ventes de plus de 30 % en 2022.

Le Plan de transformation de l’économie française affiche une volonté de limiter la construction au profit de la rénovation et prévoit un marché qui se stabiliserait à environ 60 000 maisons neuves par an soit moins de la moitié du marché organisé actuel ! Pour autant, nous sommes confrontés à un paradoxe : la maison individuelle est le logement préféré des Français mais ils ont de plus en plus de mal, pour des raisons de pouvoir d’achat, à accéder à ce type d’habitation.

Si cette volonté politique se transforme en réalité, il faudra veiller à ne pas décourager les constructeurs qui regorgent de compétences aujourd’hui si rares. Les constructeurs de maisons individuelles ont encore de nombreux services à apporter. Ils font beaucoup d’efforts pour proposer une offre d’habitat confortable, de plus en plus vertueux et peu énergivore.

Les constructeurs doivent s’habituer à construire sur des zones déjà bâties. Par exemple, les communes rurales petites à moyennes regorgent de bâtiments vétustes à démolir pour repositionner un habitat de qualité, moins individualiste et respectueux de l’environnement. Les plans friches vont dans ce sens.

Par ailleurs, la plupart des constructeurs maîtrisent des process qui pourraient rapidement s’adapter à la rénovation globale et faire gagner un temps précieux à notre course à la baisse des émissions de carbone. Encore faut-il leur laisser le temps de la mutation et les aider à acquérir des compétences complémentaires.

Malgré ce contexte morose, arrivez-vous à concilier qualité de vos constructions et prise en compte des aspects environnementaux ?

Cela fait longtemps que nous avons intégré ces enjeux écologiques, et même sociétaux car nous voulons que nos clients, véritables éco-citoyens, se sentent bien dans leur environnement.

InCA est engagé dans la certification NF Habitat depuis 2002 et NF Habitat HQE depuis 2007. Ce référentiel impose des exigences destinées à améliorer la qualité, la durabilité, le confort grâce à des économies d’énergie et à terme, une réduction du coût carbone. Nous tenons à rester dans cette démarche qui tire vers le haut, avec les plus grands bénéfices pour nos clients et pour la planète. Ce n’est pas toujours facile dans un marché concurrentiel mais nous tenons à maintenir ces exigences voire à les anticiper (réemploi des matériaux, tri des déchets, limitation du bruit, charte de propreté des chantiers) et cela montrera l’exemple à nos partenaires et nous avancerons ensemble collectivement en ce sens.

Nous étudions actuellement de nouveaux niveaux d’exigence tels que le label Effinergie RE2020 délivré par CERQUAL pour accélérer encore la mutation de l’habitat neuf vers moins de carbone.

Ces labels et certifications peuvent également rassurer nos clients, qui sont de plus en plus attentifs à ces critères de qualité et environnementaux.

Quelles innovations avez-vous lancées pour répondre aux exigences toujours plus fortes de préservation de l’environnement ?

L’innovation est pour nous un levier afin de contribuer à la préservation de l’environnement. C’est d’ailleurs inscrit dans notre vision de l’entreprise, partagée avec tous les salariés. Toutes nos décisions stratégiques sont soumises au test « est-ce bon pour la planète ? ».

Je ne citerai que quelques exemples :

  • intégration des chauffe-eau solaires thermiques en base dans toutes les maisons et ce depuis 2007,
  • tri et collecte des déchets de chantier,
  • récupération sans transport supplémentaire des matériaux non utilisés,
  • utilisation de coffrets électriques provisoires en remplacement des groupes électrogènes depuis 2011,
  • utilisation des gravats nobles en fondation de voirie.

En 2021, nous avons intégré à notre maison Cosmos un système de rafraîchissement par convection naturelle fonctionnant avec une baie vitrée motorisée et des fenêtres de toit asservies à la température et au taux de CO2. Nous avons également été les premiers à traiter la résonnance acoustique de la pièce à vivre d’une maison. L’innovation est dans notre ADN !

Mais préserver l’environnement, c’est aussi proposer des modes d’habitation innovants. Nous sommes aujourd’hui à la pointe des maisons à partager : leur but premier est de faire la chasse aux mètres carrés inoccupés. Ce sont des conceptions qui permettent de transformer sans aucun travaux une maison familiale en un ensemble de plusieurs modules complètement indépendants bénéficiant a minima d’un confort hôtelier. Cispeo, notre premier concept, a reçu une médaille d’or au Challenge de l’habitat innovant en 2016. Cosmos a suivi en 2022.

Ce type d’habitat ultra-flexible est idéal pour l’entraide intergénérationnelle ou la location en meublé par exemple. En milieu rural, c’est un formidable outil pour l’accueil de personnel saisonnier par exemple. Avec ces conceptions, la maison retrouve son essence d’antan : un véritable lieu de vie où les services s’échangent en circuits ultra-courts pour le plus grand bien de la planète.

La satisfaction client est également dans l’ADN de votre groupe. Cette recherche de qualité est-elle plus difficile à atteindre pour un constructeur en prise directe avec le particulier ?

Pour avoir aussi connu le monde des travaux dits « publics », je peux effectivement confirmer que la satisfaction d’un client particulier est bien plus difficile à atteindre. Elle revêt un engagement moral que chaque salarié d’InCA tente d’assumer au quotidien.

C’est particulièrement éprouvant car le niveau d’exigence de nos clients augmente très rapidement du fait d’une information qui circule de plus en plus vite via internet. Parallèlement, nous construisons des ouvrages de plus en plus complexes, bourrés de technologies pour améliorer les performances des maisons.

Mais l’équation est parfois difficile à résoudre du fait du manque de main d’œuvre qualifiée. Et notre meilleur atout pour résoudre ces équations est de nous reposer sur des process éprouvés et maîtrisés. Les audits et vérifications qui nous sont imposés par le référentiel NF Habitat HQE nous permettent de ne pas faire de sortie de route. Tout est parfaitement balisé pour nous rendre plus efficaces. Mais je tiens à préciser que nous n’avons pas la prétention de la perfection, nous avons simplement le devoir de l’exigence maximale pour apporter le meilleur aux clients qui nous font confiance.

Quel regard portez-vous sur le ZAN (Zéro Artificialisation Nette) ? L’habitat que nous connaissons va-t-il devoir complètement se réinventer ?

À titre personnel, je suis convaincu que nous devons collectivement œuvrer pour préserver notre planète. Et nous le savons, le secteur de la construction est à l’origine de beaucoup de pollutions. L’habitat individuel serait le plus gros émetteur de CO2, une fois prises en compte la construction des infrastructures nécessaires au logement diffus et l’artificialisation des sols. Je ne suis pas là pour le contester.

Mon approche est davantage de comprendre les enjeux, c’est d’ailleurs pourquoi je participe au Shift Project. C’est comme ça que nous trouverons les leviers qui permettront de concilier les objectifs de décarbonation et une offre d’habitat adaptée aux besoins, notamment en zones rurales ou près des villes moyennes.

Tout le monde ne peut pas habiter dans les grandes métropoles, nous devons penser à ces secteurs qui souffrent aujourd’hui d’un manque d’attractivité, mais dont la population va croître pour accompagner un secteur agricole en pleine mutation. Les circuits courts y trouveront toute leur place, de nouveaux services apparaîtront.

Pour que ce cercle vertueux s’enclenche, la qualité de l’habitat sera donc primordiale. L’habitat individuel y restera le seul acceptable. Il devra être repensé : en contact avec les bourgs existants, idéalement sur d’anciennes friches artisanales ou agricoles pour limiter les infrastructures publiques. On sait construire des maisons à impact zéro sur les sols grâce aux toits et murs végétalisés qui allient confort exceptionnel et vertus environnementales. On va s’adapter, il reste des dents creuses, des terrains à reprendre, des terrains à démembrer et des friches industrielles à réinventer car elles ont du potentiel et sont souvent situées dans des secteurs qui disposent déjà d’infrastructures et de services à proximité.

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