Comment percevez-vous l'évolution des besoins de financement dans le secteur du logement ces dernières années et quel est le rôle de La Banque Postale dans ce contexte ?
Ces dernières années, la demande de financement a fortement chuté, aussi bien du côté des particuliers que des professionnels de l’immobilier. Ce n’est pas que les banques refusent de financer, mais qu’il n’y a tout simplement plus de demande : les particuliers n’ont plus la capacité d’acheter et les promoteurs connaissent une baisse drastique d’activité.
Mon rôle concerne spécifiquement le financement des professionnels de l’immobilier, et plus particulièrement des acteurs privés. Nous finançons également les bailleurs sociaux, secteur où La Banque Postale est l’un des tout premiers acteurs en France, avec environ 25 à 30 % de part de marché.
Côté privé, nous accompagnons les promoteurs, les investisseurs et les foncières, aussi bien pour des constructions neuves que pour des rénovations. Pendant longtemps, nous étions assez réticents à financer des portefeuilles résidentiels pour investisseurs institutionnels, en raison de la lourdeur de la gestion hypothécaire. Mais depuis 2018, avec de grandes opérations comme celles menées par la Foncière Vesta ou Foncière Cronos, nous avons évolué. La stratégie de ces acteurs n’étant pas de revendre lot par lot mais de gérer des actifs à long terme, nous avons pu les financer.
Depuis, le résidentiel institutionnel s’est fortement développé (résidences étudiantes, résidences gérées, etc.), et nous finançons aujourd’hui activement ce segment.
Dans quelle mesure la taxonomie européenne influence-t-elle aujourd'hui les décisions de financement de la Banque Postale dans l'immobilier résidentiel ?
La taxonomie européenne joue un rôle croissant et La Banque Postale s’attache principalement à financer des opérations alignées sur le critère substantiel (par exemple le respect des seuils RE2020 ou RE2012-10 %). Aujourd’hui, quasiment tous nos dossiers de promotion résidentielle sont alignés sur ce critère.
En revanche, obtenir un alignement complet pour les critères obligatoires est beaucoup plus complexe, car cela nécessite un niveau d’information et de traçabilité que les promoteurs n’apportent pas toujours. C’est pourquoi nous encourageons fortement nos partenaires à recourir à la certification NF Habitat – Profil Taxonomie, qui apporte une preuve reconnue et permet d’intégrer ces opérations dans le Green Asset Ratio obligatoire.
Dans mes financements, j’oriente donc systématiquement les clients vers ce type de certification. Sans cela, nous ne pouvons pas valoriser pleinement les opérations dans nos indicateurs réglementaires.
La Banque Postale s'est engagée dans la publication de son Green Asset Ratio qui s'élève aujourd'hui à 5,5%. Ce résultat peut-il être amélioré et si oui, dans quelle mesure une certification des opérations immobilières comme la certification NF Habitat et son profil Taxinomie peut-elle y contribuer ?
Il faut préciser que la publication du Green Asset Ratio (GAR) n’est pas un choix mais une obligation réglementaire pour toutes les banques. Aujourd’hui, notre GAR est à 5,5 %, ce qui peut paraître faible et pourtant un des meilleurs du secteur bancaire.
Améliorer ce ratio est possible, et la certification NF Habitat y contribue directement. En effet, seules certaines certifications (notamment HQE BD V4 pour l’immobilier commercial et NF Habitat Profil Taxonomie pour le résidentiel) permettent de comptabiliser « automatiquement » les financements dans le GAR obligatoire. C’est donc un atout décisif.
Dans notre équipe, j’oriente 100 % des nouveaux financements (« new money ») soit vers des projets alignés taxonomie (financements dits « prêts verts »), soit vers des financements à impact avec des KPIs précis (par exemple réduction d’émissions carbone, consommation énergétique, consommation d’eau ou indicateurs sociaux) ou encore sur des financements dont les émissions carbone sont déjà faibles et en cohérence avec la trajectoire SBTi de la banque. Dans le cas des restructurations (incluant les transformations de bureaux en logements), nous avons mis en place une enveloppe de financement dédiée Transition pour laquelle l’alignement avec la taxonomie est obligatoire. Avoir une certification qui le prouve est indéniablement un avantage.
De votre point de vue, la certification NF Habitat joue-t-elle un rôle dans la valorisation patrimoniale ou dans la sécurisation des investissements à long terme, pour les acteurs financiers ? Par ailleurs, qu'apporte-t-elle aux particuliers, notamment sur la qualité intrinsèque des logements ?
Pour les investisseurs institutionnels, la certification NF Habitat Profil Taxonomie est importante, car elle leur permet de justifier l’alignement de leurs investissements avec les critères taxonomie et leurs obligations extra-financières. Elle contribue donc à sécuriser les financements et à répondre aux attentes de transparence des parties prenantes.
En revanche, en termes de valorisation patrimoniale, je reste plus prudente : la certification ne me semble pas encore un argument qui influence fortement la valeur de marché d’un bien, car elle est encore peu connue du grand public.
En tant que particulier, une certification reste un gage de qualité essentiel. Personnellement, je n’imaginerais pas acheter un logement neuf qui ne soit pas certifié. Cela garantit la conformité, la performance énergétique, et surtout la qualité intrinsèque du bien. C’est aussi un conseil que je donne autour de moi : pour un achat immobilier neuf, il est indispensable d’exiger une certification type NF Habitat.
