Marc Pichon, OPAC du Rhône

L’Opac du Rhône est l’office public de l’habitat rattaché au Conseil départemental du Rhône, fer de lance de sa politique d’habitat social depuis 1920. Aujourd’hui, ses 250 collaboratrices et collaborateurs gèrent 13 000 logements dont 1 400 en résidences spécialisées et sont à l’écoute des 25 800 locataires de l’Office. L’Opac du Rhône produit également entre 200 et 300 logements familiaux par an, tous certifiés NF Habitat HQE. Cet engagement dans la démarche de certification remonte aux années 1970 et fait de l’Opac du Rhône un partenaire historique de QUALITEL. Entretien avec Marc Pichon, directeur de la production de logements au sein de l’office.

Pourquoi avoir choisi la certification NF Habitat HQE pour vos programmes de logements neufs en maîtrise d’ouvrage ?

Au-delà de l’image positive qu’elle véhicule pour les immeubles certifiés, nous considérons la certification NF Habitat HQE comme un apport méthodologique pour construire de manière plus qualitative au sein de l’Opac du Rhône. Elle propose en effet un référentiel qualité à double niveau : qualité dans la production grâce à tous les contrôles réalisés avec les intervenants CERQUAL et qualité d’usage pour nos locataires.

Cette démarche balaye un champ très large et nous permet d’aller au-delà des normes, pour le confort des locataires. Par exemple, au cours de la certification d’un immeuble, nous nous sommes rendu compte que nous entendions l’ascenseur dans les logements, malgré le respect de la réglementation acoustique. Nous avons donc ajouté une sur-isolation, qui apporte un petit plus de qualité pour les usagers. Autre cas de figure : avec le référentiel NF Habitat HQE, un contrôle des linéaires est prévu pour les meubles de cuisine, ce qui nous amène à travailler sur l’espace et la fonctionnalité, et pas seulement sur la technique.

Est-ce que la certification NF Habitat – NF Habitat HQE est un levier pour respecter plus facilement les différentes réglementations tout en évitant les contre-performances ?

La certification et son cadre méthodologique constituent une aide considérable qui nous oblige à nous poser davantage de questions dès que nous prenons une décision. D’autant plus que CERQUAL apporte un regard différent de celui d’un technicien pur comme l’architecte.

Par exemple, lors de l’installation d’une pompe à chaleur, notre premier réflexe est de prendre en compte uniquement le bruit émis par l’équipement. La certification nous pousse à penser plus globalement et à faire une analyse plus complète sur les nuisances sonores produites par la PAC, notamment les possibles effets de résonance. Il peut parfois aussi arriver que les débits de VMC d’un programme n’atteignent pas les seuils réglementaires. Avec la certification, nous sommes assurés que ce sera contrôlé plus rigoureusement et réajusté si besoin. C’est un plus. De la même façon, les tests sur la potabilité de l’eau ne sont pas obligatoires partout. En contrôlant la qualité de l’eau dans le cadre de la certification, nous évitons toute mauvaise surprise.

En fait, avec NF Habitat HQE, nous sommes assurés que ce qui est livré répond à un certain nombre de garanties de bonne conception et de confort. C’est pourquoi nous certifions aussi nos logements en accession sociale, par conviction.

Présentez-nous le Plan environnement lancé en 2021 au sein de l’Opac du Rhône. En quoi la certification NF Habitat HQE contribue-t-elle à l’atteinte de ces objectifs environnementaux ?

C’est le fruit d’une stratégie d’entreprise volontaire et assumée en matière de prise en compte des enjeux environnementaux. Le plan environnement concerne la construction mais aussi la réhabilitation du patrimoine et la sensibilisation des locataires. A travers cette démarche, nous avons notamment redéfini les fondamentaux de notre politique de construction, avec le souhait d’aller au-delà de la réglementation imposée, et notamment de la RE2020 :

  • l’analyse de site très approfondie avec une approche bioclimatique (travail sur les orientations, les apports solaires, etc.) ;
  • un coefficient de pleine terre minimal sur les opérations (sans avoir attendu les contraintes des PLU ou de la loi ZAN) ;
  • un pourcentage minimal de matériaux biosourcés ;
  • le réemploi des matériaux dans le cas d’une démolition ;
  • la prise en compte de la réversibilité et de l’évolutivité des immeubles, par exemple avec l’emploi de cloisons légères ;
  • la certification des résidences, notamment avec NF Habitat HQE, car nous sommes conscients que le cadre apporté par le référentiel NF Habitat HQE, associé à l’écoute et au professionnalisme des équipes CERQUAL, permet de mieux répondre à nos objectifs environnementaux  ;
  • des expérimentations « totem » qui permettent de tester de nouveaux modes constructifs comme des maisons en bois et paille, en parpaing de chanvre, ou encore en modulaire 3D certifiées NF Habitat HQE (les industriels livrent des modules en bois à assembler donc les maisons sont très vites construites avec un chantier qui pollue moins) ainsi que des opérations collectives sur des résidences spécialisées avec une structure béton poteau-poutre et une façade rideau en bois pour apporter des matériaux biosourcés.

C’est une politique ambitieuse mais nous sommes aujourd’hui, face aux enjeux environnementaux, dans une phase de rupture technologique. Après des décennies à construire les maisons uniquement en parpaings et les immeubles uniquement en béton, nous cherchons aujourd’hui des formes combinées, mobilisant des matériaux biosourcés, et très performantes pour réduire les charges de nos locataires. Dans le cadre de notre Plan environnement, nous sommes d’ailleurs prêts à accepter un surcoût jusqu’à 7 % pour être plus en phase avec les exigences de développement durable.

Par ailleurs, si nos expérimentations totem sont l’occasion d’être créatif dans notre façon d’envisager l’acte de construire, nous cherchons avant tout à trouver des modèles vertueux, pertinents et soutenables financièrement afin de les reproduire à plus grande échelle rapidement.

Quels freins vous arrive-t-il de rencontrer dans la recherche de performances environnementales et techniques ?

La question des coûts reste le frein principal. Par exemple, nous allons construire une résidence en pisé de 3 étages pour des personnes âgées. Techniquement, nous avons trouvé des entreprises pour travailler l’argile, les performances sont excellentes, les matériaux sont locaux et biosourcés à 90 %. Cependant, les coûts de production sont énormes, jusqu’à1,5 fois plus cher que les constructions habituelles. Nous allons devoir renoncer à ce mode constructif pour l’instant afin de conserver un équilibre budgétaire. C’est aussi la raison principale pour laquelle nous ne tentons pas, aujourd’hui, de construire des immeubles intégralement en bois.

Comme les coûts de production ont augmenté de 12 à 15 % en 3 ans, nous sommes rattrapés par la conjoncture dans le cadre de nos expérimentations mais aussi dans le cadre de nos constructions plus classiques. La disponibilité des matériaux a également été problématique ces derniers mois, même si cela tend à se résorber.

En revanche, les élus locaux, quelle que soit leur couleur politique, sont de plus en plus sensibles à cet enjeu de construction vertueuse. Ils sont donc parfois prêts à nous aider à mettre en place des projets coûteux mais très exemplaires d’un point de vue environnemental. Par exemple, l’éco-quartier de Meys a vu le jour grâce au soutien de la collectivité qui se situe sur un territoire TEPOS (territoires à énergie positive). Pour ne pas consommer plus que ce qui est produit sur place, l’éco-quartier livré fin 2021 et certifié NF Habitat HQE présente des performances thermiques exceptionnelles, utilise des matériaux biosourcés, produit son électricité via des panneaux photovoltaïques et a un système de récupération des eaux pluviales pour les chasses d’eau. L’environnement de l’éco-quartier n’a pas été oublié avec une optimisation des pentes et de l’ensoleillement ainsi que la mise en place d’espaces verts favorisant la biodiversité.

Avez-vous constaté l’émergence de nouvelles attentes de la part des occupants ces dernières années ?

Nous sentons les choses bouger sur plusieurs aspects : d’abord l’attitude des locataires qui sont devenus plus exigeants. Ils ne recherchent plus seulement un logement à un coût maîtrisé mais sont de plus en plus regardants sur la qualité d’usage, la répartition des espaces, l’esthétique de l’immeuble, l’environnement dans lequel il est placé. En fait, on peut parfois se rapprocher d’un comportement d’acquéreur, où certains demandeurs refusent un logement social à cause de la vue ou de l’agencement de l’appartement. Il y a 15-20 ans, quand on avait le droit à un logement social, on le prenait sans discuter. C’est une des raisons pour lesquelles le logement social a augmenté ses standards de qualité ces dernières années.

Les futurs occupants sont également de plus en plus attentifs sur le niveau des charges et demandent fréquemment si le bâtiment est bien isolé pour connaître l’impact sur leurs futures factures.

En parallèle, les évolutions démographiques nous amènent à questionner régulièrement les besoins de nos locataires et à imaginer de nouvelles solutions pour accompagner les ainés ou maintenir les jeunes actifs dans les communes rurales par exemple. À l’Opac du Rhône, nous développons donc de nouvelles approches en termes de localisation, d’adaptation du logement, de disposition des pièces, etc. pour répondre à ces demandes. Concernant l’accessibilité, nous nous sommes dotés, avec le département, de la Charte Rhône + qui s’applique aux logements à destination des personnes âgées et qui permet de bien vieillir chez soi. Au sein de nos résidences seniors, nous prévoyons notamment des salles d’activités de 70-80 m² avec un coin TV, une kitchenette, une terrasse, un bureau, des sanitaires et nous travaillons avec des partenaires associatifs pour les animer. L’idée est d’avoir un espace de rencontres et de jeu qui peut également être ouvert à tout le quartier pour avoir plus de mixité intergénérationnelle et de convivialité.

Nous sentons également poindre un besoin sociétal de mode de vie plus partagé et une appétence pour des tiers lieux à destination des publics de tous âges. Cela rejoint les concepts d’habitat participatif avec du co-living, du co-working, un espace de bricolage partagé, etc. Mais est-ce un vrai besoin ou une mode ? Aujourd’hui, nous nous interrogeons encore et nous constatons certaines limites comme l’animation de ces espaces sans leader naturel. Pour le moment, nous n’avons testé que les potagers partagés car la contrainte économique nous rattrape et c’est particulièrement coûteux de prévoir des espaces collectifs supplémentaires. Cependant, nous avons déjà pris en compte le développement du télétravail et intégré systématiquement un espace de travail au sein des logements de nos nouveaux programmes.

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